Résistance critique (feuilleton de l’été 1) : identifier la ou les discriminations


Analyse / mardi, juillet 7th, 2020

Cet été, DAMES OISEAUX vous aide à attaquer la rentrée avec combativité. La résistance critique, c’est être capable d’écarter la critique de son chemin. Pourquoi ? Car la critique est rarement constructive, il s’agit avant tout d’une projection des autres sur soi.

Parfois (souvent) la critique provient de stéréotypes qui vont directement impacter le regard d’autrui. Il faut détecter en amont, pour désamorcer les éventuelles discriminations qui vous pénaliseraient dans l’accès aux droits.

L’actualité économique ne laisse pas présager d’une embellie à la rentrée, banques et entreprises resserrent dès à présent les cordons de la bourse même lorsqu’elles ne vont pas si mal. Gel des projets et des embauches, le risque majeur est que l’instabilité politique ressentie n’ait un impact encore plus fort sur les plus fragiles.

À la sortie du confinement, il y a deux mouvements : le télétravail, honni ou adoré est là / la crise économique, qui implique la fermeture de nombreuses entreprises sans soutien systématique des entreprises féminines par leur entourage et leurs proches. Pour beaucoup de femmes, l’entourage suggère de tout arrêter, de passer les concours de la fonction publique, de s’occuper des enfants en attendant que cela aille mieux.

Ci-dessous, quelques outils pour ne pas se laisser abattre quand on est un fragile oisillon sur le marché du travail :

Par fragile, qu’entendons-nous ?

Il y a en tête bien sûr les personnes tout juste arrivées, avec peu d’expérience, celles avec un faible capital scolaire… Mais nous parlons ici surtout des publics protégés juridiquement contre les discriminations dans l’accès aux droits. Des publics plus fragiles, du fait de leur sexe, situation économique, orientation sexuelle, origine réelle et supposée et classées selon trois catégories : caractéristiques personnelles intangibles, libertés individuelles, caractéristiques personnelles modifiables et évolutives.

Caractéristiques personnelles intangibles Libertés individuelles Caractéristiques personnelles modifiables et évolutives
Origine réelle ou supposée Croyances ou appartenance religieuse réelle ou supposée Situation de famille
Appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race) Opinions philosophiques  
Patronyme Opinions politiques Grossesse
Sexe Activités syndicales ou militantes État de santé
Handicap Mœurs Nationalité
Age   Lieu de résidence
Orientation sexuelle   Vulnérabilité économique réelle ou supposée 
Identité de genre   Perte d’autonomie
Caractéristiques génétiques   Capacité à parler une autre langue que le français
Apparence physique   Domiciliation bancaire

Ces publics plus enclins à l’autocensure, ayant un sentiment d’imposture. Sentiment qui fait malheureusement considérer comme « normal » à leurs yeux le fait d’être déclassés, non embauchés, embauchés à des salaires faibles, discriminés, ou sortis de l’entreprise sous forme de stage, ou d’auto entreprenariat.

Or, la diversité, crise ou pas, est une clef de puissance en entreprise. Et travailler à une meilleure inclusion est bénéfique, commercialement, pas seulement en termes d’images. Ce n’est pas parce que l’égalité F/H n’est plus au cœur du débat public à la rentrée que les lois sont oubliées et qu’il faut ignorer l’importance d’inclure.

Simone de Beauvoir avait cette phrase qui résonne à chaque coup de canif dans la stabilité économique, politique, dans chaque crise :

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Pourquoi ressortir Simone alors qu’on parle de recherche d’emploi ? Parce que concrètement, si l’on reprends les dernières crises économiques, notamment la crise financière de 2008, qui a trinqué : les jeunes entrants sur le marché, les femmes, les seniors. Et la crise a bon dos, en demandant en général aux plus fragiles de comprendre qu’ils ont déjà bien de la chance en étant embauchés, aux femmes qu’elles ont bien de la chance de garder leur emploi alors qu’elles sont mères célibataires, aux seniors qu’il faut pas non plus pousser pour avoir les projets, que sinon la charrette n’est pas loin.

Mais cela, il faut absolument le retirer de votre esprit, même si ce genre de réflexion désobligeante va vous pleuvoir dessus :

  • Si vous n’acceptez pas ce poste, vous savez qu’il y a dix personnes qui attendent de prendre votre place
  • Je ne serais pas aussi gourmande en étant diplômé.e de 2020
  • Vous plaisantez, vous demandez vraiment cette somme (+ rire condescendant)
  • Expliquez-moi encore pourquoi je devrais vous embaucher ? (sans vous regardez, ou avec une sale moue en regardant le CV, ou en regardant le collègue avec un air méprisant)

N’oubliez pas

  • rien de ce que fait votre interlocuteur ne vous concerne, qu’il soit banquier ou recruteur, il ne parle que de lui : cela le rassure en fait de montrer qu’il a le pouvoir à quelqu’un, car ce quelqu’un sera sous ses ordres, ce quelqu’un n’a pas le même stress que lui. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un affrontement où chacun juge la force de l’autre. Mais que le jugement est dans les deux sens.
  • ne prenez rien personnellement : vous êtes une personne que l’on veut embaucher, pour pas cher, car on paie toujours trop quand on paie / une femme qui veut un prêt pour maintenir son activité, et 20 % de ce qu’elle demande sera bien suffisant.
  • si vous recevez une critique, faites-vous cinq compliments d’affilée
  • n’oubliez pas que la période a fragilisé beaucoup de personnes, que vous êtes à cran, et encore plus enclin.e à penser que vous n’êtes pas utile, compétent.e… Et que c’est la mission des gens en face d’enfoncer le couteau dans la plaie. DONC pour contrer cela :
  • faites de l’aikido verbal, utilisez les paroles de l’autre contre lui
  • n’oubliez jamais votre valeur face à une personne que vous ne connaissez pas et qui se permet de minorer vos compétences et les minimise alors qu’il ne les a pas
  • il n’y a pas de petite expérience ou petit métier.
  • ne vous bradez pas
  • n’acceptez pas une augmentation de périmètre sans augmentation de salaire, ce type de situation est majoritairement proposé aux femmes.