Comment et pourquoi former un CSE dans un contexte de dialogue social dégradé ?


harcèlement moral, règlementation, vie au travail / samedi, octobre 1st, 2022

Les CSE (Conseil Social et Economique) ont remplacé les CHSCT et sont obligatoires dans les entreprises de plus de 11 salariés (Ici plus d’informations sur Service Public).

Après plus de deux ans de pandémie, le constat est plutôt partagé dans le monde du travail en général, et RH en particulier. L’ambiance est morose, le stress et la nécessité de s’adapter à un cas de force majeure a laissé depuis longtemps la place aux errances managériales, et à des erreurs manifestes, pas toujours réparées.

Sur la question des risques psycho-sociaux et du harcèlement moral

Nombreux et nombreuses sont les salarié.es qui ont découvert des retraits de dossiers et d’attribution dans des mailings envoyés à la terre entière, ont été surveillés de manière outrancière, et ont vécu à la fois la nécessité de s’adapter, mais aussi la méfiance de l’employeur.

Sur la question de l’égalité professionnelle

Des organisations formées par DAMES OISEAUX ont fait remonter que déjà deux séries d’entretiens annuels ont eu lieu chez elles depuis le début de la pandémie (car après tout, c’est une fois par an, crise sanitaire ou non). Et que concrètement : beaucoup d’hommes salariés ont fait part de leur incroyable sens de l’adaptation en temps de crise, et demandé une augmentation. A l’inverse, bien des femmes salariées ont culpabilisé d’avoir géré leurs enfants, et craignant de n’avoir pas été assez efficaces, elles ne demandent pas d’augmentation.

Conséquence, l’écart salarial augmente à nouveau. Donc, l’indice égalité de certaines entreprises va baisser. Ce qui implique pour certaines d’avoir à considérer une augmentation générale des salaires des femmes, si elles ne veulent pas atteindre des chiffres si bas qu’elles ne pourront plus répondre à des appels d’offres.

Indice et publication des indices de progression

Sur la confiance en soi et l’autocensure

La pandémie a eu un impact sur la santé psychique de l’ensemble de la population. Les personnes sont isolées (pierre angulaire de tout cycle de violence), précarisées avec des périmètres grandies et une capacité d’acceptation moindre, ainsi qu’un ressenti accru des dysfonctionnements. S’ajoutent des conflits internationaux et la prise de conscience toujours plus aïgue des enjeux climatiques, qui peuvent parfois avoir un impact négatif sur la conscience des actions à mener : quoi, le dialogue social va mal, les scandales post me too rendent l’ambiance délétère, les gens sont fatigués sur le plan émotionnel, il y a la guerre et tout le monde doit mettre des cols roulés. Faut-il en plus s’ajouter des formations demandeuses émotionnellement, et qui ajoutent des difficultés à une situation déjà stressante ?

Dans ce contexte, on peut en effet se dire que se former, c’est remuer la vase.
Sauf que c’est peut être justement le moment de la remuer.

Prenons deux exemples.

  1. Dans une structure que DAMES OISEAUX accompagne, dès 2020 les directions et RH ont été formées. En 2021, les encadrant.es et en 2022 le reste des équipes. En parallèle, tout a été repensé : l’accord télélétravail qui a créé de la flexibilité mais n’a pas non plus renvoyé les salariées chez elles (car sinon, les femmes en charge de famille s’épuisent et rompent les liens de travail, accaparées par la gestion du conjoint et des enfants). Mais également la nécessaire mise à jour de l’ensemble des outils (règlement intérieur) et la mise en place d’une cellule d’écoute des violences.

Etait-ce la priorité me direz-vous ? Et bien oui, pour une raison évidente deux ans plus tard : la cellule n’a pas fonctionné la première année. Aucune remontée, aucun dossier ouvert. En interne, les équipes se méfiaient. Qu’est-ce qui empêchaient en effet les personnes en charge de rompre la confidentialité, qu’est-ce qui ne disait pas que comme dans la majorité des cas de dénonciation de faits de harcèlement, les personnes qui osaient parler n’allaient pas se retrouver éjectées de la structure ? Il a donc fallu créer de la confiance, et la confiance, ca ne se crée pas en un jour.

Aujourd’hui la cellule gère des situations de violences sexistes et et sexuelles, des agissements discriminatoires (racisme, homophobie, antisémitisme) et parfois des situations de conflit où chaque interlocuteur était dépassé dans ce conflit par ses émotions, y voyant une violence. L’ouverture d’un dossier a pu mettre au jour un dysfonctionnement qui a été réglé. Au final ces cellules qui sont vues comme des chevaux de Troie du malaise au travail car elles agiteraient des situations et entretiendraient un climat délétère, participent à l’amélioration des interactions et du climat social.
Et surtout, la création de la structure a permis de former en interne des personnes qui aujourd’hui, ont à gérer une santé psychique des salarié.es globalement dégradée. Or, s’assurer de la santé physique et psychique est également une obligation de l’employeur, qui peut vite se retrouver démuni s’il n’a pas les ressources internes.

2. Dans une autre structure, le CSE a souhaité se former dès son élection. Au contact des ressources humaines, ils ont pu identifier des dysfonctionnements, mais mettre un mot, qualifier, ce n’est pas toujours simple car après tout, peu nombreuses sont les personnes ayant un BAC+15 en dépistage des violences en entreprise.

Après avoir été formé, le CSE a pu discuter de façon plus claire avec les ressources humaines Lesquelles ont à leur tour demandé à être formées.

L’avantage : partager une culture de l’égalité commune, partager un vocabulaire commun transforme positivement le dialogue social.
Trop de départements RH appellent et demandent à être formées sur les discriminations pour contourner les accusations de discrimination dans le parcours RH. Or, trop souvent, les personnes qui demandent cela ont de bonnes raisons de voir leur CSE monter au créneau, car elles refusent vraiment des promotions aux femmes enceintes et refusent les formations des mères de famille. Donc bon. On peut aussi se dire que si dans le dialogue interne, RH et représentants élus du personnel partagent une même définition du concept de discrimination, connaissent le spectre des 25 discriminations sanctionnées par la loi, et sont en capacité d’identifier les risques, alors la conversation sera probablement infiniment plus productive. Et qui sait, pourra aboutir à l’améliorer de la qualité de vie au travail ?

Enfin, n’oublions pas k’importance, parfois, de rappeler des évidences qui n’en sont pas.

Ainsi; le local syndical empli d’affiches sexistes, ou appelant à la violence sexuelles sur des personnalités politiques peut il être source d’inconfort pour la personne élue au CSE qui se sent visée par ses violences (rappel traumatique, climat hostile, dérangeant, humiliant, offensant) mais aussi pour d’éventuelles personnes qui voudraient parler, mais s’autocensurent à la vue du local, qui ne donne pas l’impression que leur parole sera entendue. Ainsi les libertés individuelles, questionnées par le droit à la liberté d’expression et à la liberté syndicale, peuvent parfois entrer en conflit avec une situation de difficulté dans le cadre professionnel, et à ce titre, doivent parfois être questionnées.